Faut-il donner envie au monde d’explorer la nature ?

by carolfo33

- ESPRIT OUTDOOR -

Faut-il donner envie d'explorer la nature ?

Partager des idées de balades à faire, dévoiler des “pépites” en postant des photos sur Instagram, vanter les atouts du paddle pour donner envie à d’autres de partir explorer les lacs sauvages, vouloir vous emmener découvrir la nature à mes côtés dans des coins merveilleux, insoupçonnés. Comment éviter de tomber dans des schémas de consommation en masse des espaces naturels et quel est mon rôle en tant que “médiatrice nature”  responsable ?

Le risque d'une nature dénaturée

Nous avons lancé cette discussion l’autre jour avec une copine ayant elle aussi pour volonté d’emmener des personnes dans la nature pour faire découvrir des coins cachés et vivre des expériences d’ouverture des sens et de bien-être en plein air. 

Suite à la saison estivale, la voilà découragée et en pleine remise en question : la surfréquentation sur les sentiers forestiers autour de chez elle, la surabondance de paddles gonflables sur l’eau (apparemment très en vogue en cet été 2020), l’envahissement de touristes n’ayant pas toujours un comportement respectueux vis à vis de l’environnement naturel… Avec cette vague d’estivants la nature se retrouve finalement dénaturée, voire dégradée… notre expérience et sensibilité aussi.  

Elle se pose la question : Est-ce réellement bien de vouloir emmener du monde dans la nature, de dévoiler des lieux et coins insolites qui restaient jusque-là paisibles et préservés des effets nocifs de la foule humaine ?  Est-ce « vendre » et « consommer » la nature ?

On est au coeur de nombreux débats actuels sur le tourisme durable et les effets de masse ! J’ai consacré une bonne partie de mes études à analyser cette problématique, et pourtant ce n’est qu’aujourd’hui que je me retrouve réellement confrontée à mes responsabilités en voulant construire un projet qui soit réellement écoresponsable et respectueux – parce qu’il ne suffit pas de montrer que la nature est belle et que s’y promener c’est bon pour le moral !

Médias, réseaux sociaux et consommation en masse des espaces naturels

Je suis récemment tombée sur un article de presse qui m’a interpelé “Le lagon charentais victime d’Instagram”  (article Le Parisien)

Le lagon en question est le site des lacs bleus de Guizengéard, formés sur d’anciennes carrières d’argile et aujourd’hui classés site naturel protégé. Avec ces lacs de couleur bleue-turquoise, on qualifie les paysages du site d’ “exotiques”, “idyllliques”, “dignes des grands lacs américains” – et “instagrammables” ! Effectivement, les photos donnent envie d’y faire un petit tour – moi la première, lors de mon “appel à la nature” post confinement, j’ai fait partie de cette foule d’excursionnistes de la métropole bordelaise à m’y être rendue pour faire une petite balade et prendre des photos. La preuve :

lacs de guizengéard

D’après l’article, la fréquentation du site de Guizengéard aurait flambé, passant de 10 visiteurs à 400 par jour, et serait victime de son succès sur les réseaux sociaux au point que sa préservation devienne un véritable enjeu. Si la surfréquentation lui porte préjudice, l’article dénonce aussi le comportement irresponsable de certains : destruction des barrières, baignade (interdite pour des questions de sécurité), feux de camp, passages en moto, quad et même en jet ski ! Malheureusement ces feux de camp je les ai vus, ainsi que d’autres malins bivouquant au bord de la falaise.

Même si je considère que j’ai un comportement responsable et respectueux sur place, je ne peux m’empêcher de me poser la question de ma responsabilité indirecte, d’abord en faisant partie de la foule de personnes sur place, et ensuite en voulant jouer un rôle d’“influenceuse” sur le web. Cela part pourtant d’un bon sentiment : donner envie à d’autres de venir découvrir ce joli site, de passer un moment agréable au contact de la nature et de valoriser la découverte près de chez soi.

Le poste que j’ai partagé :

instagram lacs de guizengéard

Bon, j’admets que je ne suis pas encore un as des réseaux sociaux, et je n’aurai sûrement jamais autant de followers que National Geographic (ou que Justin Bieber !), mais, dans le doute, autant essayer de ne pas être contre-productive et d’aller à l’encontre de mon intention. Même en valorisant les découvertes davantage locales, comment inciter aussi au respect de la nature et éviter le phénomène de consommation en masse des espaces naturels ?

Se désabonner des réseaux sociaux, ne plus poster de photos et ne plus parler des balades en pleine nature – la voix de la raison ?

Créer du lien et privilégier l’expérience directe et intime

A mon sens, pour transmettre le bon message – (éco)responsable et susceptible d’éveiller les consciences – il ne suffit pas d’être reportrice et de poster de jolies photos de paysages (sauf peut-être si l’on a le talent visuel d’un Yann Arthus-Bertrand), de parler avec enthousiasme d’une chouette randonnée ou de diffuser une charte de bonnes pratiques. D’autant plus qu’en cette époque de surmédiatisation et de surinformation, il est fort probable que mon message soit éphémère, banalisé, inefficace.

Il m’est important de ne pas perdre de vue pourquoi j’ai voulu lancer mon projet “Les Filles Outdoor” et ma conviction intime : que développer notre lien à la nature est fondamental à sa protection et à notre bien-être. J’ai envie de croire qu’une personne – femme ou homme – qui touche à et qui est touchée par la nature, qui ressent ses bienfaits et qui la comprend mieux, a davantage envie de la respecter, voire d’agir pour sa protection. 

Mon job, tel que je le vois aujourd’hui, ce n’est pas simplement de montrer, mais de faire vivre et ressentir ce lien entre des individus, la nature et un espace. 

…Rendez-vous sur le terrain !

Oui je veux donner envie d’explorer la nature en profondeur et non de la consommer de manière “gratuite” et superficielle ; éviter la masse et la massification pour préférer la diversité des espaces et des découvertes en toute saison ; proposer des expériences simples et uniques en valorisant le local, la rencontre, l’échange, la transmission de savoirs ; faire un job humain et authentique laissant place à la sensibilité et à la vraie nature de chacun.e ! 

“On aime ce qui nous émerveille et on protège ce que l’on aime” (Jacques-Yves Coustaud)

Finies les belles paroles, il y a du pain sur la planche 😉 

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